Accidentologie cycliste et journalisme, une réaction du collectif

Au sein du collectif Vélorution, les cyclistes que nous sommes sont tombé.e.s de nos selles à la lecture de l’article des DNA en date du samedi 7 août 2021, consacré à l’accidentologie à vélo. Voici un article rédigé avec un parti pris certain, un biais volontairement à charge contre la pratique du vélo, insuffisamment sourcé.

S’il est vrai que le nombre d’accidents cyclistes a augmenté, une démarche statisticienne pertinente aurait permis de pondérer ce pourcentage en regard de la hausse de la pratique nationale du vélo. Ainsi, l’Association Vélos et territoires précisait en janvier 2021 : « La fréquentation des pistes cyclables a progressé de 29% depuis la fin du confinement par rapport à la même période l’an dernier. » – à mettre en regard de l’augmentation de la mortalité cycliste, de 20%.

Si les aménagements suivent, l’expérience montre que l’augmentation de la pratique du vélo tend à réduire le nombre d’accidents par kilomètre parcouru, du fait de la visibilité accrue des usagers du vélo

Le collectif Vélorution déplore que trop d’usagers de la route trouvent la mort à vélo. Il est néanmoins essentiel de mentionner que si 42% des accidents cyclistes mortels en 2011 sont causés par les cyclistes eux-mêmes, la majorité des accidents mortels pour les cyclistes (près de 60%) est causée par les autres usagers de la voirie ! Les cyclistes sont donc très majoritairement des victimes des comportements motorisés.

D’autre part, l’analyse des causes mêmes des accidents nous a particulièrement estomaqué.e.s : se limiter à une liste d’incivilités et de comportements soi-disant répréhensibles de la part des cyclistes tout en occultant les autres causes accidentogènes traduit un point de vue partial.

Ainsi, aucune référence aux comportements criminels au volant, dont voici une liste non exhaustive, tels que les excès de vitesses, le non-respect de la distance minimale de sécurité pour doubler un cycliste, les stationnements sur les trottoirs ou les bandes cyclables privant les piétons et les cyclistes de leur espace de déplacement, ou encore les ouvertures intempestives de portières possiblement mortelles pour un cycliste. Ces infractions sont souvent commises en toute impunité, responsables de la plupart des accidents graves constatés ces dernières années à Strasbourg et alentours. Ces incivilités sont devenues si « normatives » que d’aucuns les trouvent « normales ».

Aussi, l’article laisse à penser que les aménagements cyclables seraient à ce jour suffisants et adaptés aux multiples pratiques cyclistes. Et ce, alors même que les aménagements en zone rurale et dans la plupart des villes françaises sont encore largement lacunaires. Même Strasbourg la pionnière souffre de l’ancienneté de nombre de ses pistes.

Les circonstances des derniers accidents mortels pour les cyclistes survenus dans l’agglomération strasbourgeoise contredisent ce qu’avance cet article : aucun de ces accidents mortels n’a pour cause une quelconque responsabilité de la victime, mais sont directement imputables à des infractions motorisées ou des aménagements insuffisants.

Les chiffres égrenés dans l’article ne permettent pas de démontrer que les cyclistes tuent d’autres usagers de la route avec leur vélo, un cas qui reste exceptionnel au niveau national. Le collectif Vélorution tient à souligner que même avec une conduite exemplaire, un usager de la voirie à bord d’un véhicule à moteur thermique participe à la pollution de l’air qui tue aveuglément près de 500 personnes par an dans une agglomération comme la nôtre. Il n’existe pas de décès indirects dus à la pratique cycliste.

Que dire enfin de la comparaison hasardeuse entre le port du casque à moto ou à scooter et le port du casque à vélo ? En effet, « 100% des usagers des deux-roues motorisés porteraient le casque ». Heureusement… car celui-ci est obligatoire et vital. Et si « seulement 26% » des cyclistes portent le casque à vélo, ce sont pourtant bien 100% des cyclistes qui respectent la loi : le port du casque à vélo ne revêt aucun caractère légalement obligatoire pour un usager âgé de plus de 12 ans

L’exposé de tels préjugés « anti-vélo » a de graves conséquences. Il participe au sentiment général que les cyclistes accidentés « l’ont bien cherché ». Cela ne favorise aucunement le sain questionnement des usages des véhicules motorisés ni la remise en cause des comportements de leurs usagers. Cela ne donne aucune perspective au-delà de la voiture personnelle et de l’auto-solisme qui encombre et asphyxie nos villes.

Le collectif Vélorution invite les personnes qui s’intéressent authentiquement au sujet du vélo à le vivre de l’intérieur et à venir pédaler avec nous aux heures de pointe, au choix, sur la route de Bischwiller, la route de Schirmeck, la rue Mélanie ou la route de Colmar. Ainsi, ces personnes pourront – elles aussi – constater qu’il ne suffit pas à Strasbourg, d’être exemplaire pour être à l’abri du danger. Les aménagements cyclables véritablement sécurisés sont encore trop insuffisants.

La pratique du vélo est une chance et non pas un problème pour nos villes. Car le vélo est porteur de nombreux effets secondaires vertueux pour notre territoire.

Nous encourageons donc nos élu·e·s à poursuivre la politique volontariste qu’ils sont en train de mettre en œuvre pour aménager les axes structurants et sécurisés pour tous les usages du vélo, en s’inspirant de villes modèles telles que Copenhague, Amsterdam ou dynamiques comme peuvent l’être Grenoble ou Paris.