« Les murs sont un prétexte. Le seul vrai intérêt de cette maison, à mon avis, c’est de créer du lien social » – Renaud – 2016

« Eugénie », par Renaud, 2016

Renaud : C’est Eugénie. (…) Eugénie, qui est une personne moteur de la maison depuis quelques années déjà. Je crois qu’elle est arrivée, on a dû se rencontrer en 2010, quand on a ouvert le bar. Octobre, novembre 2010, un truc comme ça.

C’est par Florian, je crois, qu’on l’a rencontrée. Florian, qui avait rencontré Ivan [et] Eugénie, qui faisaient du théâtre. Eugénie a beaucoup participé à des coups de mains bénévoles pendant toute une année à la maison, dans un cercle « noyau dur ». Elle était très régulièrement sur le bar, à organiser des activités, faire vivre l’atelier peinture. Ça, c’était en 2010, 2011.

Et puis, en septembre 2011, elle a décidé de venir s’installer ici, à la maison. Elle est restée presque deux ans, avant de partir en Afrique avec un copain qu’elle a rencontré par le biais de la maison à l’époque. C’est quelqu’un de moteur, depuis des années, et qui a vraiment vu différents aspects de la maison. D’abord de l’extérieur, après comme habitante ; qui a toujours gardé le lien malgré la distance… (…)

C’est quelqu’un qui fait de la peinture aussi (comme je disais avant, tout ce qui est atelier peinture). Il y avait toute une belle dynamique, à l’époque, autour d’Eugénie, Gobi* aussi (je ne pense pas que tu l’aies croisé), Auguste (peut-être que tu l’as croisé parce qu’il est encore sur Strasbourg), Berthe* aussi (…) Coline*, Florian… Ils étaient quelques uns à être vraiment sur une grosse « vibe ateliers ». Et puis c’est vrai qu’ils ont fait vivre l’atelier, organisé des expos, organisé des concerts à la maison…
(…)

Ophélie : Tu entends quoi par « moteur » ?

Renaud : Une « personne ressource », à tous les niveaux. Qui est là quand il faut, qui sait parler de la maison, qui a une vue globale des choses, qui sait couper la poire en deux, qui sait être passionnée quand il faut et puis qui sait lever le pied quand il faut.

C’est quelqu’un qui a la tête sur les épaules. C’est assez agréable quand il y a quelqu’un comme Eugénie. C’est quelqu’un qui, pour le coup, a pu, à mon avis bien des fois, être contrepoids dans des trucs où moi j’étais beaucoup trop « tête dans le guidon », pour voir clair dans ce qu’on faisait.

Eugénie, c’est quelqu’un qui sait vraiment garder la tête froide malgré les choses compliquées. Quand je dis « moteur » c’est au sens « qui a fait vivre la maison ». Eugénie, même en habitant en Côte d’Ivoire, elle faisait encore vivre la maison. On pensait à elle. Il y avait toujours des quantités de trucs, des flyers qu’elle a dessinés ; elle va répondre à des mails ; elle va accueillir des gens ; elle va s’intéresser aux projets. C’est vraiment quelqu’un de précieux depuis des années pour cette maison. Et puis c’est une coordinatrice, une personne ressource, enfin je ne sais pas comment on peut appeler ça, une personne qui voit vraiment à travers plein de choses, plein d’angles multiples, qui a plein de prismes de lecture de ce qu’on fait et qui se pose plein de questions et puis qui a une patate d’enfer ! Qui a une énergie, (tu la connais) qui est assez impressionnante.

(…)

J’ai pris beaucoup de portrait. C’est un choix réel par rapport à la question que tu posais : « Pour toi, c’est quoi Mimir ? » C’est rien ! C’est rien, sinon des rencontres et un réseau. Après, ça a pris place dans une maison. On a eu du bol. Bon, on s’est fait chier à le générer le bol aussi. Les murs sont un prétexte. Toute activité (du concert à la bagagerie) tout est prétexte. Le seul vrai intérêt de cette maison, à mon avis, c’est de créer du lien social, d’être un vrai réseau social. J’ai plus d’amis (au sens de Mimir) et des gens dont je n’ai pas le contact ! C’est assez magique ! Je suis désorganisé à souhait ; je perds un portable ou deux par an ; ma boite mail, je ne les lis jamais ; tous les gens, je les connais par Mimir ; je les rencontre par Mimir ; c’est par le bouche à oreille, ou par petits mots, ou par « il faut que tu rappelles untel » que je revois les gens. Et ça fait six ans que j’évolue à travers un réseau social de ouf, où ce n’est pas deux mille amis Facebook, ce sont de vraies personnes que je connais. C’est juste hallucinant !

Après, c’est sûr que les personnes qui sont sur ces photos, c’est une partie de la famille. Ce n’est pas n’importe qui. Le fait d’être dans cette dynamique là, par rapport au fait de poser cette question,  » prends des photos par rapport à la question : c’est quoi Mimir pour toi? « , c’est dans une dynamique vachement plus intimiste, familiale, de gens qui y croient et qui sont là dans des moments où on est quand même, globalement, au creux de la vague. Il ne faut pas se le cacher non plus. On a cramé la chandelle par les deux bouts, tiré sur la corde ; on peut appeler ça comme on veut. Et au bout de six ans, on approche tous de la trentaine, parce qu’on avait globalement entre vingt et vingt-cinq ans quand on a commencé ; il y avait une ou deux personnes un peu plus âgées (pour ne pas faire de catégorisation par l’âge).

La dynamique dans laquelle on est aujourd’hui, c’est qu’on est adulte confirmé, qu’on se positionne à beaucoup plus long terme et on est tous là-dedans. Et on se rend compte que la baraque, elle n’a pas forcément suivi cette courbe là, au niveau de nos trajectoires personnelles. Aujourd’hui, on a des attentes un peu autres ; donc les gens qui sont là aujourd’hui, ne sont pas là par hasard. Ce sont des gens qui sont proches de la maison, qui sont tous quasiment strasbourgeois, ou en tout cas, qui se projettent sur des années à venir sur Strasbourg. Parce que la famille Mimir dont je parle, est beaucoup plus large que ça. Pourquoi les portraits ? C’est le fil rouge de pas mal de photos ; c’est ce qu’il y a de plus important : ce sont les rencontres. Le reste c’est du flan. Si cette maison là, on s’en était fait virer, je pense que probablement, en tout cas moi et quelques autres, qu’on serait allé dans une autre ; on aurait pété une autre maison. Ce qui s’est ouvert comme porte et comme perspectives de vie, le jour où on a découvert la force de ce que c’est que d’habiter collectivement dans une baraque, de pouvoir habiter ça dans un imaginaire ! un peu comme des gosses dans une cabane, mais avec le fait que c’est un lieu réellement d’éducation populaire, mais où chacun a sa pierre à apporter ; un qui va mettre un peu de cadre et de connaissances associatives ; l’autre qui va mettre sa connaissance de la débrouille et de la bricole ; le troisième qui va connaître plein de monde ; la quatrième qui déboule et qui va faire partie de je ne sais pas quelle asso’ depuis des années et puis qui cherche un bureau et machin… Il y a toute une marmitonne collective qui est géniale ! (…)

J’aspire à vivre au milieu de plein de gens qui ont des rêves et qui ont un imaginaire et qui veulent créer des choses un peu autre. Et qui veulent essayer de faire en sorte que, malgré le cadre complètement stérilisant du monde dans lequel on vit et de toute la déprime contemporaine, qu’on puisse quand même réussir à se projeter sur quelque chose de l’ordre d’une recherche d’humanité, d’une recherche d’émancipation, sur une recherche de l’apprentissage perpétuel. Il y a un imaginaire de fou derrière. Il y a une utopie qui essaye tant bien que mal d’être incarnée. En toute humilité ! On ne changera pas le monde, ça c’est clair. Mais je veux dire, on n’est quand même pas là par hasard. Et là, les gens qui sont sur les photos, ce sont des gens qui ne sont clairement pas là par hasard

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