« Je suis enfin libéré de ne plus être à la rue » – Tibtib – 2017

« Enfermé dehors » par Tibtib, 2017

Thibaut : Alors Mimir c’est aussi vraiment un monde dans un monde. (…)

Au début j’y restais parce que (…) j’étais à la rue et le fait d’être tout le temps dehors et puis le fait que tu as un chez toi (même si c’est pas du tout vivable hein, c’était au début), ben je restais enfermé tout le temps, tout le temps, tout le temps. (…) Ça faisait du bien d’être entre quatre murs, de ne pas être toujours dehors… (…)

Mais au bout d’un moment d’être trop dedans (…) ça fait l’effet inverse. Donc moi, au lieu d’avoir, on va dire, comme monsieur-madame tout le monde, une oscillation de dehors-dedans régulière, (…) ça va être dedans pendant trois mois et je vais sortir deux semaines pour faire un tour à vélo et puis je reviens, je reste trois mois et vraiment je ne sors pas.

(…) Là, c’est un peu les premières sorties. Il commence à faire beau. Je commence à me motiver. Enfin, c’est Jo qui bougeait pas mal quotidiennement sur les quais, pour prendre l’air. Et donc là, j’ai renforcé mon amitié avec Jo aussi. Donc, il y a un rapport aussi avec le cadenas. Enfin, ça c’est le pont des amoureux. Mais c’est sceller une amitié. (…)

Voilà, c’était mes premières sorties un peu plus régulières d’être dehors-dedans.(…) J’ai un bon souvenir de ces moments passés sur les quais.

Et puis finalement, le cadenas c’est aussi une prison quelque part. Un cadenas, c’est fermé. Être enfermé, être à la maison tout le temps et là, de sortir (…) c’est comme se libérer un peu. Alors que finalement au début c’était l’inverse. C’était : enfin une maison ! Je suis enfin libéré de ne plus être à la rue. Je suis libre de pouvoir rentrer au chaud, de me faire à manger, de me servir justement de ce qu’il y a dans mes cagettes parce que c’est vrai que sortir tes gamelles et te faire directement à manger, comme ça, sur le trottoir, ça c’est pas évident.

Donc il y a un peu le double jeu de s’enfermer dedans, ou finalement de se libérer… (…)

Puis à Strasbourg, il fait pas chaud tous les jours, donc je t’avoue que dès qu’il y a un rayon de soleil, ben on n’hésite pas.

« La nature » par Tibtib, 2017

Là, c’est la nature. C’est le parc, pas très loin de la maison et c’est un peu comme sur les quais avec Jo. C’est dès qu’on en a marre ou que je suis énervé ou que machin ou que, de toute façon, j’arrive pas à comprendre ben : « fiou », prendre l’air. (…) Ça devenait une soupape de sécurité quotidienne, journalière. (…)

J’ai beaucoup aimé Strasbourg au-delà de Mimir, au-delà des copains. (…) C’est une très belle ville et c’est une des rares villes… d’ailleurs, c’est la seule ville que j’ai faite où j’ai des vrais réseaux d’amis. J’ai des copains encore aujourd’hui. Tu vois, même avec toi, un an et demi après, on se voit à l’autre bout de la France pour finir l’entretien. (…) C’est le seul endroit où, finalement, j’ai beaucoup d’amis, un vrai réseau. (…) Là, il y a un vrai soutien.

Et là, ce côté nature, c’est ce qui manquait aussi un peu. Comme je te dis, j’étais à la rue pendant longtemps, donc j’allais souvent m’enfermer. Puis, à force, ça fait l’effet inverse. J’étais trop enfermé donc il me fallait une soupape pour sortir. (…) Simplement le petit couché de soleil, aller se balader sur le quai à côté.

Quand j’étais frustré, Jo me disait : « va faire un tour ». (…) J’étais souvent en déprime à l’époque. Alors je marchais tout doucement, je faisais le tour du quai, bière-pète et je rentrais : ça va mieux et c’est parti…

« Djeb : les copains et les quais » par Tibtib, 2017

Justement, on parlait des copains, on parlait des quais, ben voilà, (…) une super photo de Djeb. C’te bonne bouille ! (…)

Ça reprend ce que j’ai dit. C’est les copains sur les quais, profiter du soleil temps qu’il y en a… Et puis, c’est vrai que les quais étaient vraiment en bas de la maison donc c’est facile… (…)

J’ai toujours eu du mal à parler aux AG. (…) J’ai du mal, des extinctions de voix tout de suite. J’arrive pas à parler en public. Même si c’est dix de mes amis, ben au-dessus de dix, c’est « wouh ! » Ça devient dur. Alors, du coup, j’arrivais jamais trop à dire ce que je pense ou à m’exprimer correctement, avec des bons mots, parce que j’ai un peu le stress, parce que je suis devant dix personnes, que si je dis « oui », ils vont tous dire « non » et inversement. Et du coup, je devais un peu me battre seul contre tous, à expliquer pourquoi « oui », pourquoi « non », alors qu’à chaque fois, ce que je préférais vraiment, c’était de les voir chacun en aparté, les uns après les autres, à profiter d’un petit temps sur les quais ou au bar ou sortir et là, on a vraiment une discussion, une communication, pas un monologue ou juste seul contre tous. Tu vois ce que je veux dire ? Et c’est souvent ce que je faisais. J’allais les voir en aparté, toi, aussi toi et on va parler des mêmes problèmes mais dix fois, plutôt que de parler une fois devant dix personnes du problème et j’y arrivais beaucoup mieux.

Mais au moment des AG, on était là : « Oh ! Mais attends, toi tu m’as dit ça, toi tu m’as dit ça, toi tu m’as dit ça. Ben redit répète. » Et je disais : « Ben non, je vous l’ai tous dit, vous êtes tous au courant donc j’ai pas besoin de… » Et ça, ça marchait pas pour eux.

Mais du coup, c’est quand même des petits moments que j’appréciais avec certains d’entre nous, de pouvoir se lâcher entre quatre yeux plutôt qu’un débat public, dans la cour. C’est toujours plus convivial.

Donc voilà, les quais, les copains. Ça c’est super !

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