Jour 10 – 26/03/2020 – Une journée sensationnelle

Ces deux derniers jours ont été riches de peu. Être confiné n’aide pas toujours à trouver l’inspiration et raconter mon quotidien serait un tantinet lassant.

On peut essayer :
Je me suis levée à 8h46 ou 47 environ. J’ai fait un café et puis, sans grand étonnement, je l’ai bu.
Soudain, j’ai pris mon ordinateur. Il n’était plus branché et il n’avait presque plus de batterie. J’étais coincée. Je ne trouvais pas le câble. Il allait s’éteindre et je ne pouvais rien faire contre.
Finalement, j’ai réussi.
Remise de mes émotions, j’ai commencé à regarder l’actualité du jour. J’étais heureuse ! Heureuse d’être jeudi car l’horoscope de Rob Brezsny était publié dans Courrier international. J’ai lu :
« À 55 ans, l’écrivain britannique Thomas Hardy, Gémeaux comme toi, avait publié dix-huit romans et nombre de nouvelles et recueils poétiques qui lui valurent d’être pressenti deux fois pour le Nobel de littérature. Puis, découragé par une critique négative, il n’écrivit plus une ligne pendant les trente-deux dernières années de sa vie. J’entrevois un virage similaire dans ton parcours, Gémeaux : le temps est peut-être venu de renoncer à une passion qui n’a pas connu le succès escompté… »
Affligée, j’ai décidé de retourner au lit.
Puis j’ai lu la suite :
«Poisson d’avril ! Que t’importe la critique ? Ce n’est certainement pas le moment de perdre espoir et confiance ! Consacre-toi pleinement à tes passions!»
Je me suis donc relevée.
Brusquement, je me suis aperçue qu’il ne me restait plus que des miettes de tabac. Il fallait que j’agisse ! Et, en moi, je savais quoi faire.
J’ai attrapé mon blouson, j’ai enfilé mes chaussures et je suis sortie de chez moi. Bravant la police, la loi, que dis-je, la loi, bravant le gouvernement tout entier, je suis descendue au bureau de tabac-presse sans mon attestation. Je craignais qu’à tout instant, surgissant de la forêt, un policier ne se jette sur moi pour me donner un PV.
Arrivée au bureau de tabac-presse, j’étais soulagée. Je n’avais croisé aucun agent de la loi.
J’ai voulu commander mais il n’y avait plus qu’un seul paquet de mon tabac préféré !!! Qu’allais-je faire ?… Choisir du tabac sans additif et garder mes valeurs en pensant à ma santé, ou bien allais-je prendre une marque dont j’appréciais le goût mais qui détruirait mes poumons comme mon intégrité ? (Ce n’est qu’un peu plus tard que j’ai pensé que le tabac, de toute façon, n’est pas bon pour la santé.) Mais dans l’immédiat de cette péripétie, il me fallait trouver une solution à ce dilemme insoutenablement tragique qui…

… Enfin voilà. J’imagine que chacun s’occupe comme il peut.

Au bureau de tabac-presse, j’ai tout de même trouvé matière à penser.
Au kiosque, j’ai vu au loin un grand et vif titre jaune sur fond noir :
« CORONA VIRUS ALERTE, le dossier vérité des experts ».
Ce journal me promettait de dévoiler ce que l’on me cache et les VRAIS moyens de m’en prémunir. Je n’ai pas bien compris. Ce journal qui affirme lever le voile sur les fakenews ressemble à l’une d’entre elles.
Surtout, je me méfie, comme du coronavirus, des journaux qui me proposent de me donner LA vérité. Si nous avons passer des centaines d’années à questionner et requestionner la vérité et que la science, ou la philosophie, tentent de s’en approcher sans jamais l’atteindre, comment envisager qu’une personne, qu’un groupe ou qu’un journal pourraient avoir la vérité sur quoique ce soit ?

Je n’aime pas beaucoup ça…

Au même titre que je n’aime pas les écrits injonctifs que l’on trouve dans les livres de développement personnel : « retrouvez le bonheur en trois étapes ! » ou autres facéties… Et bien non, j’ai pas envie. On ne me donne pas d’ordre comme ça ! Et même s’ils me promettent le bonheur ou qu’ils peuvent m’aider à retrouver les fragments d’amour que j’ai perdus, c’est non.
Je pense que c’est poser un voile pailleté sur les profondeurs de merdes obscures qu’il y a en nous, qui existent, qu’on le veuille ou non, et qui tâchent l’immaculé voile destiné à les masquer.
On appelle ça du déni. Le déni est une maigre solution, un trou où nous enfonçons la tête pendant que le réel nous donne un coup de pied dans le cul. C’est pourquoi, selon moi, le développement personnel n’est autre qu’un petit tour de passe-passe qui endort et asservit l’individu en soif de liberté. L’injonction à être libre restera avant tout une injonction.
Une certaine Julia De Funès semble en parler assez bien. De Funès, la petite fille-philosophe de Louis (oui, Louis, Lui-même !). Son ouvrage, « Le développement (im)personnel. Le succès de l’imposture », donne quelques éclaircissements sur ces phénomènes et la recrudescence actuelle des coachs en tout genre.
Je pense me le procurer après le confinement, mon dernier réquisitoire sur amazon m’obligeant à rester cohérente.

Mais dans ces folles journées d’intrigues surprenantes, le plus stimulant pour moi reste la fabrication du site internet dédié à mes écrits ethnologiques sur la maison Mimir. J’y présente le livre, j’explique ce qu’est cette association et je mets en place l’intrigue et les personnages qui ont participé à l’élaboration du récit. Ils sont neuf. Les neuf ont accepté de paraître sans être anonymes.
Ainsi, j’ai passé la majeure partie de ma journée à téléphoner à toutes ces personnes et à espérer qu’elles ne trouvent pas à redire sur ma démarche.
Sur le site, j’ai aussi ajouté les articles de mon journal palpitant de confinement, que par la suite je ne diffuserai qu’ici.

En attendant, je continue inlassablement à tenter de gagner un fidèle lectorat sur les réseaux sociaux, dans l’espoir que quelqu’un, quelque part, me lise, que cette lecture soit pour lui un soupçon de réconfort dans son quotidien morose et que ces petites histoires s’inscrivent dans la grande, celle que nos héritiers apprendront dans leurs manuels d’écoliers, en essayant de s’imaginer les sensations que nous avons pu vivre lors de cette période (malgré tout ce qu’on en dise) de perte de liberté.

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Une réponse à Jour 10 – 26/03/2020 – Une journée sensationnelle

  1. Cha dit :

    Qu’il est bon de te relire enfin 🙂 !

     » quelqu’un, quelque part, me lise, que cette lecture soit pour lui un soupçon de réconfort dans son quotidien morose  » ; tu y parviens avec brio. Merci <3

    Ps : Et finalement, sur quel tabac as-tu jeté ton dévolu ?

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