Service public/entreprise privée : deux modes de gestion très différents…
La gestion publique vise l’intérêt commun des citoyens.
La gestion privée vise le profit.
La rénovation des Bains municipaux dépendra de ce choix. Elle ne sera pas la même selon que la ville gérera un établissement à vocation municipale, c’est-à-dire populaire, ou qu’une entreprise visera une rentabilité financière, en ciblant une clientèle aisée.
On peut toujours essayer de jouer sur les mots : service public ou service au public, personne n’est dupe devant la manipulation idéologique – et la séance du conseil municipal du 12 octobre nous en a livré quelques perles, que vous pouvez retrouver en ligne sur le site de la ville de Strasbourg. Le point 21 concernait une interpellation du conseiller d’opposition, Jean-Philippe Vetter, sur le projet du maire de privatiser les Bains municipaux. La question était : est-il envisageable que vous reveniez sur une décision prise sans concertation ? Voici nos commentaires aux réponses fournies par Olivier Bitz, chargé de la concertation et par Roland Ries, maire de Strasbourg.
Olivier Bitz : «…depuis des décennies, des activités libérales de nature privée se déroulent aux Bains municipaux. »
Si l’argument vise à banaliser la privatisation annoncée, l’exemple est bien mal trouvé. Il n’y a pas de gestion privée. La Ville loue des locaux avec des baux commerciaux à des exploitants privés. Pourquoi pas, si la Ville défendait correctement ses intérêts ? Cependant, nous n’avons aucune information sur les loyers pratiqués…
Roland Ries : « des activités qui d’ores et déjà sont privées, qui étaient privées à l’époque (…) les kinés, les Bains romains… »
Alors, là, c’est archi-faux – et cela montre, une fois encore, la méconnaissance sévère du maire à propos de l’Histoire des Bains municipaux ! Les Bains Romains sont publics et gérés par la Ville depuis l’inauguration de l’établissement, en 1908. Ce service, auquel bien des Strasbourgeois sont attachés, n’a JAMAIS été privé !
Le dossier est-il si mal connu des édiles qu’ils confondent toutes les activités des Bains, ou prennent-ils leurs désirs pour des réalités ?
Olivier Bitz : « en quoi s’agit-il d’une privatisation, lorsque nous nous interrogeons sur l’utilisation des 5000 m2 qui aujourd’hui sont vides et qui ne peuvent pas donner lieu à privatisation puisqu’il n’y a pas d’exploitation de service public. »
De grâce, trouvez un argument sérieux : il y aurait donc 5000 m2 sans aucun statut foncier ? Une sorte de no man’s land ? Non, ça n’existe pas. La ville de Strasbourg est propriétaire d’un lot foncier bien identifié au cadastre. Elle en laisse une grande partie à l’abandon : cette mauvaise gestion met sa responsabilité en cause ! Il s’agit bien d’un espace public, mal géré.
Olivier Bitz, à propos de la charte votée en juin : « le service public est au cœur du projet de rénovation »
Eh bien non, votre charte ne nous rassure pas : elle ne parle que d’une piscine (là le singulier est à relever) au lieu des deux qui existent actuellement, elle n’évoque par exemple que la fréquentation scolaire et non celle des clubs comme celui des aveugles qui ont des besoins spécifiques non prévus dans les autres piscines de la ville. Rien n’est clair non plus sur les douches préservées. Le sort du reste est scellé : il n’est pas dans la charte.
De plus, il n’est guère envisageable que deux gestionnaires distincts cohabitent dans un même établissement : l’ouverture d’une piscine au public sera donc une charge imposée au gestionnaire privé, la ville payera très cher pour cela (les 3,5 M€ du « déficit » actuel ?) et, tôt ou tard, cette disposition sera supprimée (voir le cas de la piscine Molitor).
Olivier Bitz : La charte « garantit le service de baignade, ce que d’autres villes comme Colmar, Roubaix, Manchester n’ont pas fait »
Voilà ce qui est présenté comme un « défi », un cadeau fait aux Strasbourgeois. Et il cite trois cas de bains transformés (par exemple, en Alsace, Colmar) en omettant ceux qui ont été maintenus dans le giron municipal (Mulhouse). Par ailleurs, dans le cas de Colmar et de Roubaix, les établissements étaient fermés lors de la reconversion. Ce qui n’est pas du tout le cas des Bains de Strasbourg, toujours en activité.
Roland Ries : « Je pratique la concertation depuis fort longtemps » ; puis, à propos de la privatisation : « ce cadre, effectivement, je l’ai fixé au préalable »
Vous avez annoncé, Monsieur le maire, à la télé, dans la presse, dans vos interventions et vous venez de le confirmer en CM, qu’il y aurait une privatisation des Bains municipaux : c’est une décision unilatérale ; sans concertation.
Vous nous avez refusé l’accès aux informations sur des études payées par nos impôts. Or chaque citoyen a le droit de connaître les dépenses engagées jusqu’au dernier centime. Vous ne respectez pas les droits des citoyens.
Vous nous avez fourni un document caviardé pour cacher les noms, les sommes dépensées, les coûts envisagés et même les propositions du consultant. Vous ne trouvez pas cela insultant pour les citoyens ?
Vous nous refusez le droit de faire signer dans l’enceinte de l’établissement la pétition de défense des Bains municipaux : comment comptez-vous évaluer l’opinion publique ? Où est le droit à l’information, au débat ?
Vous organisez des conférences publiques : nous y écoutons des orateurs qui disent des choses intéressantes (les Bains sont en très bon état de conservation, il s’agissait en 1908 d’un établissement remarquable et particulièrement innovant socialement et techniquement…) mais le débat y est réduit à la portion congrue et quand, à la fin de la séance, nous avons posé des questions, nous n’avons obtenu aucune réponse de fond.
Roland Ries, sur le coût de la rénovation : « 30… 35 millions d’euros »
Il faut vous croire sur parole puisque vous n’avez jamais énoncé clairement à quel programme correspondent ces chiffres. En revanche, sur l’une des études que nous nous sommes procurée, il est question de deux scénarios, qui se chiffrent à environ 20 millions d’euros (pour un coût annuel, investissement compris, de moins de 2 M€), budget similaire à celui de la belle rénovation des bains, financée par la commune de Darmstadt (22 M€). Sans parler des Bains de Gotha (19 M€) et de tant d’autres en Allemagne.
D’ailleurs, de quelle rénovation parlez-vous, pour avancer un budget si important ? L’option hôtel de luxe, déjà évoquée par votre adjoint, est-elle toujours valable ? Nous avons écouté l’exposé de l’architecte, le 16 septembre : le bâtiment est en bon état dans toutes les parties fondamentales de sa structure. Seul un projet pharaonique coûterait cher.
Roland Ries, sur l’augmentation des impôts locaux : « comment financer… sans augmenter les impôts ? »
Justement, les élus doivent faire des choix politiques. Combien l’Ecole internationale, que ne fréquenteront que peu d’enfants strasbourgeois a-t-elle coûté à la Ville ? Vous n’avez pas parlé de hausse d’impôts lors de l’approbation d’autres budgets : le Palais des Fêtes, le Palais des Congrès et même le quartier d’affaires… Pourquoi la rénovation des Bains a-t-elle, seule, le privilège du chantage à la hausse de l’imposition ?
Nous sommes portés par tous les Strasbourgeois qui disent que les Bains sont à nous et doivent le rester, et nous espérons tous que nous pourrons continuer à fréquenter les Bains municipaux de Strasbourg, s’Stadtische Schwimmbad.
Strasbourg, le 15 octobre 2015
Le collectif La Victoire pour tous