La piste cyclable de la rue Mélanie est-elle mal conçue?

L’aménagement cyclable de la rue Mélanie fait les gros titres de la presse locale. Certains raillent un aménagement qui serait “mal conçu et coûteux”. Qu’en est-il réellement ?

Pour une fois, plus de la moitié de la largeur de la voirie a été attribuée aux piétons et cyclistes (57% de la largeur). Sur l’espace restant (pourtant loin d’être ridicule), le compromis aboutit à une alternance entre des portions à voie unique bordées de stationnements, et des portions à double sens permettant le croisement des véhicules.

Rue Mélanie : principe du projet
Rue Mélanie : principe du projet

Malheureusement, sur les vidéos parues ces derniers jours, on constate systématiquement que certains automobilistes stationnent sur les portions à double sens… et provoquent ainsi une paralysie de la circulation automobile.

La nouveauté de l’aménagement et l’affluence ponctuelle n’améliorent pas la situation (vidéo prise le 1er mai, jour férié, météo favorable et lors de 2 événements au parc de Pourtalès). Les automobilistes ont clairement besoin d’une période d’adaptation face à cet aménagement qui, pour une fois, contraint légèrement la circulation motorisée et donne leur place légitime aux modes actifs (comprenez : la marche à pied et le vélo).

Rue Mélanie : section Est, une piste bidirectionnelle familiale. Et un exemple de véhicule stationné en infraction.
Rue Mélanie : section Est, une piste bidirectionnelle familiale. Et un exemple de véhicule stationné en infraction.

Lors des rares épisodes de blocage, les automobilistes n’hésitent pas à commettre l’infraction d’emprunter la piste cyclable. Certains(les plus virulents) en profitent pour critiquer la conception et la “dangerosité” de l’aménagement pour les cyclistes… alors que le problème vient en réalité du comportement de certains automobilistes en infraction ! À l’association Strasbourg à Vélo, on rêverait que l’énergie déployée pour critiquer l’aménagement de la rue Mélanie soit utilisée à meilleur escient, par exemple pour réclamer la sécurisation des piétons et cyclistes dans le reste de l’Eurométropole, ainsi que des mesures de lutte contre les violences motorisées. Car la triste normalité dans le reste de l’agglomération, ce sont plutôt le portable au volant, les priorités piétons/cyclistes non respectées par les motorisés ou le stationnement sauvage sur les aménagements cyclables… quand ce n’est pas l’absence pure et simple d’espace dédié aux modes actifs.*

Car c’est bien de cela qu’il s’agit ! Avant la réalisation de cet aménagement, certaines portions de la rue Mélanie étaient 100% dédiées à la voiture, sans marquage au sol, sans trottoir, et bien sûr sans aménagement cyclable. Cette situation était en totale contradiction avec les enjeux réels de cette rue. En effet, la rue Mélanie est un itinéraire majeur pour les modes actifs. Elle permet aux familles et aux promeneurs de rejoindre les espaces de respiration que sont la forêt de la Robertsau et le parc du Château de Pourtalès. Elle constitue une portion de la Vélostras B et de la piste des Forts. Et c’était le dernier maillon encore non-sécurisé de l’Eurovélo 15 dans l’Eurométropole !

La rue Mélanie avant les travaux : une rue large et dangereuse pour les cyclistes et par endroit sans aucun trottoir.
La rue Mélanie avant les travaux : une rue large et dangereuse pour les cyclistes et par endroit sans aucun trottoir.

Cette portion de la rue Mélanie est maintenant sécurisée, agréable et réellement attractive pour les modes actifs. Sa nouvelle mouture intègre désormais un aménagement cyclable de qualité qui répond à 4 revendications récurrentes de l’association Strasbourg À Vélo :

  • Largeur adaptée
  • Surface plane à niveau de chaussée, pour éviter les bateaux aux entrées des habitations
  • Séparation physique entre chaussée, piste cyclable et trottoir
  • Priorité au vélo sur les modes motorisés

Et maintenant, que faire pour aider les automobilistes ?

Tout d’abord, le marquage au sol et la signalisation doivent être complétés pour lutter contre le stationnement sauvage et faciliter la compréhension de l’aménagement par les automobilistes. Il serait judicieux de mieux différencier les zones de stationnement des zones où il est interdit de stationner et de s’arrêter. Un renfort de verbalisation des mauvais stationnements sera probablement aussi nécessaire si les infractions perdurent.

La signalisation pourrait également prioriser le sens “sortant” de la rue pour éviter la thrombose en cas d’affluence exceptionnelle. Et une régulation de l’entrée de véhicules en direction du parc du Pourtalès pourrait être mise en place lors des journées de forte affluence ou lorsque son parking est déjà plein. Des dispositifs existent pour connaître le nombre de places libres sur ce type de parking, et leur installation mériterait d’être étudiée.

Données récoltées à Strasbourg par des capteurs citoyens "Telraam"
Données récoltées à Strasbourg par des capteurs citoyens « Telraam »

Il serait également intéressant d’envisager l’installation d’un ou plusieurs compteurs de trafic citoyens « Telraam » dans cette section de la rue Mélanie, pour objectiver la situation avec des données concrètes et fiables. (Comme cela a pu être fait dans le secteur du Schlutfeld à Neudorf)

Et pour les cyclistes, quelles améliorations sont encore possibles ?

L’aménagement de la rue Mélanie est encore perfectible pour les cyclistes. D’abord parce que dans sa portion Est, au-delà du carrefour avec la rue Himmerich, ce ne sont que des bandes cyclables qui sont tracées sur la chaussée. La peinture n’est pas une infrastructure, et ne sécurise pas les cyclistes, encore moins les enfants. D’autant plus que ces bandes sont par endroits au ras du stationnement motorisé, et créent donc un réel risque d’emportiérage (= se prendre un coup de portière auto qui s’ouvre), un des accidents les plus dangereux et les plus fréquents pour les cyclistes en agglomération.

Rue Mélanie : section Ouest, une bande cyclable dangereuse qui ne permet pas d’éviter une ouverture de portière.
Rue Mélanie : section Ouest, une bande cyclable dangereuse qui ne permet pas d’éviter une ouverture de portière.

Un autre risque encore existant est celui des intersections. L’ajout d’un enrobé de couleur pour mieux identifier la trajectoire des cyclistes est nécessaire. C’est une des demandes de Strasbourg à Vélo: identifier par de la couleur la trajectoire des cyclistes, surtout dans les intersections.

Strasbourg à Vélo milite pour l’ajout d’aplats de couleur pour mieux identifier la trajectoire des cyclistes, en priorité dans les intersections.
Strasbourg à Vélo milite pour l’ajout d’aplats de couleur pour mieux identifier la trajectoire des cyclistes, en priorité dans les intersections.

Avec cet aménagement, on constate une fois de plus le mécontentement des automobilistes pour qui le partage de l’espace semble décidément difficile à accepter. Cet épisode montre qu’il faut du courage pour défendre les modes actifs face au dogme du “tout voiture” hérité d’un autre temps. Un peu de civisme de la part des usagers motorisés et quelques améliorations permettront de rapidement faire oublier ce prétendu “scandale”, qui sera bientôt regardé pour ce qu’il est réellement : une tempête dans un verre d’eau.

À Strasbourg à Vélo, nous invitons les automobilistes à profiter de ce joli mois de Mai pour se libérer de leurs habitacles et tester légalement la nouvelle piste cyclable de la rue Mélanie.
Nous encourageons la ville et l’Eurométropole à poursuivre toutes les démarches permettant un partage plus juste de l’espace public, en reprenant la place nécessaire sur l’espace actuellement dévolu aux véhicules motorisés.

Powered by WPeMatico