Ah ! Des in-ci-vi-li-tés ! Le terme est à la mode cette année dans les programmes de plusieurs candidat·e·s ! A les lire, on croirait Strasbourg une ville en siège, sous la coupe d’extrémistes fous du guidon, roulant comme des poulets sans tête à la recherche frénétique d’un piéton à culbuter dans le caniveau.
Sans occulter la réalité de cohabitations parfois difficiles entre usagers – et ceci quel que soit leur mode de déplacement ! – et des comportements inciviques d’une minorité d’usagers, notre expérience de cyclistes au quotidien nous inspire plusieurs réflexions.
Les aménagements cyclables sont conçus de trop longue date comme une sous-voirie, destinée non pas à permettre un déplacement efficace du vélo, mais pour balayer de la route tous ces parasites à deux roues. La rue doit rester le seul territoire de la voiture. Les discontinuités, inexistantes et inenvisageables pour la voiture, sont la norme pour le cycliste, qui doit souvent bricoler comme il peut pour rejoindre deux bouts de pistes. 10 mètres sur un trottoir ou un passage piétons, c’est 10 mètres de trop, mais on commencera par examiner les environs avant de clouer le pauvre vélo au pilori.
Idem pour les feux, de tous temps conçus et réglés pour optimiser le passage d’un nombre maximum d’automobiles. Piétons et cyclistes, rejetés sur des voies secondaires, subissent la double peine : la temporisation de leurs feux (qui n’existeraient pas sans trafic motorisé) est déséquilibrée en faveur du trafic motorisé et, souvent, quand l’automobiliste a un feu à attendre, le cycliste et le piéton, par exemple pour tourner à gauche, peut en avoir jusque trois ! On n’excusera pas les cyclistes qui passent au rouge, mais on commencerait presque à les comprendre. Dans certains cas, cela peut même leur permettre de se mette en sécurité.
Les difficultés se concentrent de manière systématique aux endroits où le politique a fait le choix, parfois par économie, parfois par méconnaissance du vélo, souvent les deux, de mélanger piétons et cyclistes sur une voirie commune, sur un même niveau ou sans délimitation, ou en comptant sur le seul « vivre ensemble» pour espérer que son aménagement fonctionne.

Une grande partie des usagers, et souvent ceux dont le permis de conduire commence à remonter, ignore que le cycliste objet de leur colère est dans son droit lorsqu’il circule sur une piste sur trottoir, pédale au milieu de la chaussée dans une vélorue, tourne à droite à la faveur d’un panneau M12, réclame la priorité sur un passage vélo matérialisé au sol ou se pose devant une file de voitures au feu rouge grâce au sas vélo.
Enfin et surtout, les incivilités systématiques, piétons et cyclistes en sont tous et toutes indifférents victimes une fois sortis de la Grande île, de la part des automobilistes :
- Stationnement sur les pistes et trottoirs (réponse au choix : « J’en ai pour 5 minutes ! », « Vous n’avez qu’à faire le tour », « Je travaille, MOI »),
- Refus de priorité (le vélo n’est considéré comme un véhicule lorsqu’il a des devoirs, plus rarement lorsqu’il a des droits),
- Non respect des distances de dépassement (1m en ville, 1,50m en agglomération),
- Non respect des limitations de vitesses (on n’évoquera pas par pudeur le réseau départemental, censé être partagé),
- Non respect de l’arrêt obligatoire au passage piéton, lorsqu’un piéton attend de pouvoir traverser,
- Et tout ça sans parler de la pollution (olfactive, chimique, visuelle et sonore), qui reste générée même par le plus gentil des automobilistes.

Les cyclistes s’en plaignent-ils dans le courrier des lecteurs des DNA ? Non car ils ont intégré depuis longtemps que ce lot de souffrances faisait partie de la condition de sous-usagers dans laquelle on les cantonne.
Nous déplorons que tou·te·s les candidat·e·s ont, eux, intégré que ces nuisances sont de l’ordre de l’ordinaire et de l’acceptable.
En effet, aucun·e n’évoque ces agressions motorisées au quotidien, dont certaines sont pourtant responsables de la mort de 17 cyclistes en 10 ans à Strasbourg, sans compter les centaines de blessés victimes de violence routière. Tellement plus simple de taper sur la tête des cyclistes !
Nous invitons les candidats à pédaler avec nous à l’heure de pointe, route de Schirmeck, route des Romains, route de Bischwiller, avenue de Colmar, route de Lyon, quai Finkwiller comme nous le faisons quotidiennement, pour découvrir que le Strasbourg cyclable ne s’arrête pas aux portes du centre-ville !