Stoof : Les quais […], avec la gendarmerie… (il souffle) Les keufs, avec la maison, c’est une grosse histoire d’amour. Les premiers mois, ils passaient. […] Disons que pour revenir à : « qu’est-ce que c’est la maison ? », c’est la lutte contre l’autorité, je pense. Il y a une autorité à défier mais intelligemment. Et les keufs, quand ils venaient nous voir, on leur sortait le procès verbal du tribunal, on leur disait qu’on était passé au tribunal ou qu’on allait y passer et que tout le monde savait qu’on y était en fait. On ne se cachait pas. On le disait et ils n’ont pas fait grand-chose… Jusqu’à récemment, on était plutôt tranquille.
Ophélie : Comment ça se fait qu’ils n’ont jamais rien fait ?…
Stoof : Ils n’avaient rien à trouver de toute façon. Après, s’ils avaient vraiment voulu nous faire chier, ils auraient trouvé un bout de shit, accessoirement, ou une connerie comme ça. Mais ils ne l’ont pas fait. Ils ne l’ont jamais fait, parce qu’on leur disait : « on est chez nous là et c’est un espace privé, espace associatif ». Ça, ça marche toujours. Ça marchait. Ça a marché très longtemps…
Et quand la maison s’est fait péter là, ben en fait, je crois que ça devait se faire. Il fallait que les choses se passent dans cette période là, pour que la maison avance. Sinon elle aurait… Je ne sais pas, mais ça fait longtemps qu’on joue avec trop de choses, dans cette maison, sans avoir quelque chose de plus carré… Et si on veut que ça soit pérennisé, je pense qu’il faut pérenniser aussi le bâtiment et un peu les règles de vie. Que les gens sachent comment ça se passe. Que les gens réinvestissent l’endroit. Parce que j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de gens qui sont rentrés dans la maison et qui ont vivoté, qui ont pris les choses comme elles étaient et qui n’ont pas réfléchi comment faire avancer. Il faut toujours avancer ! Si tu n’avances pas, de toute façon, tu recules. Et je crois que ça a manqué. Ce qu’on essayait de faire avec les gens…
On avait un groupe là qui s’était constitué, il y a deux ans et on était vraiment super contents de les voir arriver. On se disait que ça pouvait avancer, faire avancer les choses et tout et on leur a demandé d’écrire ou de parler : pourquoi ils étaient là ? Et ils l’ont pris comme une sorte d’injonction, une sorte de lettre de motivation. Mais en fait, l’idée c’était juste de se questionner sur quel intérêt ils voient à être ici. Nous on s’en foutait en fait. Tous les gens qui étaient là, on les aimaient déjà et on voulait qu’ils soient là. Mais on voulait qu’eux s’interrogent, pourquoi ils sont là et qu’est ce qu’ils viennent y faire. Mais, ils l’ont mal pris. Ils ont compris ça comme une sorte d’autorité, alors que l’autorité ne se plaçait pas là. C’était juste un truc qui était bienveillant, d’une génération qui s’en allait et qui laissait la place. Ça, ils l’ont pas compris et c’est dommage. Il y avait des gens très bien, qui traînent encore autour de la maison, mais qui n’ont pas pris la place d’habitant qu’on voulait leur donner. Il y en a qui sont vraiment partis. D’ailleurs c’est dommage que ça n’ait pas pris cette année là, parce que, cette année là, il y avait tous les anciens. Il y avait Jo, Thibault, Renaud, moi, Flo. Il n’y avait pas Rhino, mais on était cinq des anciens qui avions passé au moins six mois ensemble, dans la maison, avec un groupe, ils étaient six, l’habitat douze. […] Il y avait les combles. Il y avait de la place. On passait nos journées ensemble. On faisait des trucs ensemble. Mais, dès qu’on leur demandait quelque chose, il y avait peu de gens qui savaient écrire, à ce moment là. Dans le sens, au quotidien, prendre un stylo, écrire, raconter son ressenti, se questionner. Ça a manqué à ce moment là.
C’est marrant, parce qu’il y avait, à des périodes, beaucoup d’écrivains et il y a eu des périodes où il y avait beaucoup moins d’écrits, d’écritures, d’écrivains. C’est quand même cool quand il y a des gens qui écrivent, qui lisent beaucoup, qui débattent. Même si des fois ça chie parce que ce sont les gens qui causent aussi et qui envoient du lourd direct. Ce groupe là, il manquait peut-être un petit peu de parole et un petit peu d’écriture. C’est peut-être ce qui leur a manqué. Parce que sinon, c’était des gens très bien ! Je n’étais pas déçu non, (plus bas) un peu triste, parce que ça aurait pu être un beau groupe.
Ophélie : C’est après ça qu’il y a eu la descente de flics ?
Stoof : Ben ouais. Juste après, je crois qu’il y en a qui avaient déjà commencé à partir. Peu de temps après, les flics sont arrivés…
Je crois qu’en ce moment, il y a quand même beaucoup de gens qui écrivent, qui se questionnent, qui veulent parler, qui débattent. Ça, c’est bien.
Ophélie : On est dans une dynamique de transmission et de poser quelque chose ? toujours dans un mode itératif. C’est à dire que ce n’est pas parce qu’on écrit maintenant une charte, qu’on ne peut pas revenir dessus, à un moment donné et rechanger les choses. C’est quelque chose qui se construit, tout le temps, qui est en mouvement, tout le temps. Donc, il ne faut pas avoir peur d’une charte qui est collée. Ce n’est pas du flicage. C’est un truc où on se reconnaît là-dedans, tous. Et si tu veux entrer dans Mimir et bien, il y a cette charte. C’est que tu te reconnais là-dedans. Mais ça ne veut pas dire qu’à un moment donné [on ne puisse pas dire] : « En fait, là, je trouve, on a oublié ça. Il faudrait peut-être qu’on rajoute ça. Est-ce que ça c’est encore de mise dans Mimir ? Oui ou non, etc. »
Stoof : C’est quelque chose qui se requestionne constamment.
Ophélie : Oui.