Lorsque je m’étais entretenue avec Renaud sur ce qu’est la maison Mimir pour lui, j’avais été étonnée du nombre de portraits qu’il avait pris. Les personnes, les rencontres qui tissent un réseau et la famille qui se construit semblent pour lui le cœur (ou le corps) constituant de la maison Mimir. Il m’avait présenté quelques unes de ces âmes capturées.
Renaud : …Et bien du coup, c’est Hugo. C’est un copain qui a commencé à prendre des images pour un documentaire sur Mimir et c’était l’occase’ aussi (il y a pas mal de photos de portraits) de voir les tronches des différentes personnes qui gravitent autour de Mimir. Le côté un peu « lieu de rencontres ». Puis après, il y avait aussi toute la dimension « témoignage » derrière, que l’on commence à envisager un peu plus. Du fait de se dire : comment est-ce qu’on peut essayer de parler de ce que l’on fait depuis quelques années ? Poser des questions à travers ça.
Ophélie : Il était là pour quoi ?
Renaud : Il était à la maison pour discuter, parce qu’il veut faire une demande de financement pour le documentaire en question, pour pouvoir choper du matos. C’est un truc qu’il fait au niveau de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles). Il voulait que l’on se voit pour que je lui file des documents et que l’on discute, pour qu’il puisse faire son dossier de financement.
Ophélie : C’est quoi le documentaire ?
Renaud : C’est un documentaire sur Mimir, sur les travaux, la réouverture l’année prochaine, comment ça va se passer dans le quotidien, la mise en place du projet… C’est une démarche sans prétention. Ce sera un truc que l’on va faire tourner dans nos réseaux, au niveau diffusion, que l’on mettra sur internet… À l’occasion, on pourra s’en servir comme support pour discuter un peu de ce que l’on fait et puis c’est une idée d’aller un peu plus loin que de communiquer.
J’ai toujours dit qu’il y avait différentes manières de faire : il y a l’information, la communication, le témoignage. C’est vrai qu’informer, on l’a beaucoup fait, à une période, pour donner les éléments de « comment est-ce que le projet avançait » ; le côté communication, ça c’est inhérent au fait de tout ce que tu peux organiser dans un lieu collectif. On organise ça comme événement ; on a besoin de ça comme truc… Et après il y a le côté témoignage, où on n’a pas encore forcément trop réfléchi ce truc là.
Il y a eu un ouvrage collectif qui était sorti, je ne sais plus, en 2012 ou 2013 ; moi, j’avais écrit un petit fanzine à l’occase’. Il y a des images qui ont été prises ci et là. Je crois que le « plus gros taff » qui a était fait, c’est quand même au niveau de la photographie. Il y a quelques potes photographes qui sont venus prendre des éléments du quotidien. Donc ça a était une dimension un peu autre que juste communiquer, parce qu’il y a la dimension un peu artistique et puis une recherche, une démarche propre aux copains qui était assez intéressante.
Mais c’est quand même cette année où on commence à mettre les pieds là-dedans. Même la démarche que tu peux avoir toi, c’est aussi une démarche un peu globale de Mimir, de commencer à témoigner. C’est assez chouette de se dire que ça peut être un sujet d’étude qui interpelle des personnes qui se posent des questions, de manière plus universitaire. Donc ça, c’est aussi une manière de témoigner.
Voilà, la photo là, c’est un peu ça. C’est le côté portrait, par rapport aux copains et le côté « une personne qui vient dans une dynamique tierce en plus ». Puisque [Hugo], c’est quelqu’un qui connaît Mimir (…) depuis trois quatre ans. Et après, il a fréquenté le lieu plus comme « consommateur » que comme participant, bien qu’il ait certainement participé à une ou deux organisations X ou Y. Mais moi, c’est quelqu’un que je connais beaucoup de par l’asso’ dans laquelle je bosse. Il est bénévole dans l’asso’. Il a justement fait des projets vidéo pour l’asso’ avec laquelle je bosse. Il est super motivé ; il fait plein de trucs en parallèle et il a une démarche globale.
Le fait de la vidéo, pour lui, c’est une passion ; le fait de Mimir, c’est un mode de vie et les manières d’appréhender les questionnements du moment qui l’interpellent et qui lui semblent pertinents. Donc, c’est plus une démarche documentaire, avec un propos et un œil pas si tiers que ça, parce que c’est subjectif…
Là, c’est Hugo mais on voit sa tronche. Et Hugo travaille avec sa petite caméra et son petit micro (le matos qu’il emprunte à la fac).
« La différence est une forge »
Renaud : Ça c’est Wolf* [ndlr : le prénom a été modifié], avec une vue de la cours.
Wolf, c’est un copain du milieu de la teuf, qui a une quarantaine d’année. Donc pareil, c’est toute la dynamique de portraits de gens de la maison. C’est quand même, à mon avis, le rôle central de cette maison. C’est un lieu social, au sens de la rencontre.
Wolf c’est quelqu’un que j’ai rencontré. Je pense que je ne l’aurais probablement pas rencontré si j’avais été dans un autre contexte. Il y a beaucoup de gens qui aujourd’hui, constituent mon quotidien, avec qui j’évolue et avec qui je n’évoluerais pas aujourd’hui, si je n’avais pas été à la maison. Ça c’est une certitude. La différence est une forge qu’on a vite fait de se construire avec des pairs quand on est dans la société classique, des gens avec qui on va avoir été en formation, des collègues de travail, ou des copains d’enfance. Il y a toujours un tronc commun dans les histoires.
Après à Mimir, il y a forcément, entre guillemets, un « profil » qui se ressemble. Il y a quand même un « « « profil » » », entre multiples guillemets. Des gens désabusés du monde dans lequel on vit, qui tentent d’autres choses, qui sont dans des alternatives et qui ont tous des personnalités assez exceptionnelles. [Des gens] qui, du coup, ont des vies assez rocambolesques. Wolf est quelqu’un qui fait partie des gens qui ont fait émerger la musique électronique en France dans les années 90. C’est un gars qui vient de Paris à la base, qui, comme pas mal de copains du milieu de la teuf, se sont installés en Alsace dans les années 2000, lui s’est installé sur D***. Il a sa maison, sa petite maison en Moselle. Il était souvent à la maison. Il a filé la patte l’année dernière, pour des travaux de quotidien. C’est un très bon copain de Sims (qui est un des moteurs de la maison et des dynamiques autogestionnaires à Strasbourg depuis quelques années). C’est quelqu’un avec qui on a beaucoup fait la fête, mais pas seulement. Quelqu’un, quand il y a des périodes de coup de bourre de ouf, qui a toujours été là. Par exemple, je me souviens de l’année dernière, quand on a construit les chiottes secs pour une autre asso’, « Nigloo », il était là pendant une semaine consécutive, comme un ouf, à bosser dix heures par jour. C’est un personnage assez haut en couleurs. Il a sa belle tête de vainqueur au milieu de la cour, avec une phrase en espagnol (je ne sais pas ce que ça veut dire).
Dans la dynamique de portraits à Mimir, c’est une belle photo…
« Guillaume et Noémie.
Toujours dans l’idée des portraits »
Renaud : …Alors, on a Guillaume et Noémie. Toujours dans l’idée des portraits. Guillaume, quelqu’un qu’on a rencontré récemment, parce qu’il est là depuis les mois de septembre-octobre. Je l’avais déjà rencontré avant, mais il était en plein « rush étudiantin » à l’époque. Il était déjà intéressé par l’idée, parce que lui, il est donc architecte aujourd’hui, diplômé d’État. C’est à ce titre là qu’il a pris une place dans le projet, dans le fait d’avoir ces compétences là.
Après, lui a une recherche beaucoup plus large que le simple fait d’être architecte. Il n’est pas là par hasard non plus. Comme tout le monde. Ils ont monté un collectif d’architectes avec ses copains, une asso’ pour pouvoir faire un peu ce genre de choses dans un cadre associatif, pour des projets qui ont des valeurs communes [ndlr : l’atelier Na]. C’est un homme qui se pose beaucoup de questions, sur beaucoup de choses, de manière très intéressante. Ma foi, je suis vraiment content de l’avoir rencontré ! Sur le point de vu Mimir, par rapport à tout ce qu’il peut apporter à la maison, c’est quelqu’un qui a justement une méthodologie et une lecture globale sur ce qui est un chantier et qui a permis de passer à un cap qu’on n’avait jamais réussi à passer : le fait d’organiser un chantier de A à Z, le chiffrer, de voir les implications par rapport au cadre normatif, de tout ce qui est ERP (Établissement Recevant du Public). Quelqu’un de très compétent, en tout cas dans la méthodo. Compétent, pas forcément encore au niveau de l’expérience, parce qu’il a appris beaucoup de choses par rapport à Mimir.
Il y a ça qui est génial dans la démarche de réciproque. C’est qu’il nous apprend des choses et que lui apprend des choses de nous, enfin, du projet en tout cas. et qu’il ait une démarche de questionnements beaucoup plus large de lui par rapport à comment est-ce qu’il veut entendre mener sa vie sur les prochaines années. C’est vraiment chouette! Aujourd’hui, à mon avis, dans les nouveaux moteurs de l’asso’ Mimir, il y a ce jeune homme, Guillaume, qui est vraiment chouette.
Et derrière, Noémie qui est une personne qui connait Mimir depuis le tout début. Elle a dû arriver en septembre, octobre 2010 et qui, à l’époque, était en première année de fac ou un truc comme ça. Puis qui a fait quelques années de fac, à Strasbourg, qui fréquentait beaucoup les milieux autogestionnaires, avec qui on était toujours bien pote, avec la maison et puis tout un groupe de copains-copines. Elle organisait aussi un peu des choses ici, fait des marionnettes, des ateliers… Aujourd’hui, [elle] file de temps à autre la patte à la maison. Et qui est toujours aussi chouette ! Elle fait partie de la famille, Noémie, elle aussi, qui est un peu moins présente cette année mais qui a toujours la patate.
Tiens, ça c’est Guillaume qui prend une photo. C’est toujours pareil, le personnage Guillaume et puis du coup, il prend des photos, je pense de la maison par rapport à soit des plans, des relevés, des idées pour faire des dessins. Je ne sais pas.
Toujours dans les portraits, ça c’est Jojo. Jojo, qui est un des meilleurs amis de Guillaume. Ils ont fait leur formation d’architecte ensemble. Jojo, c’est un mec super cool aussi, que je ne connais pas depuis longtemps mais que j’ai hâte de connaître davantage. (…) Il file la patte aussi pour les trucs d’architectes. Il est dans le collectif du Guillaume [ndlr : il parle toujours de l’atelier Na]. Il fait parti du réseau. Ce sont des gens qui sont là. Il est venu assez régulièrement. On s’est vu deux ou trois fois. je sais qu’on a eu l’occas’ de lui téléphoner pour lui poser des questions. C’est quelqu’un qui file la patte à la maison aussi…
« Ingénieur à l’heure » [ndlr : ou « ingénieux râleur » ?]
Et ça c’est Daniel. Daniel, qui est arrivé à Mimir en 2012, je dirais, et qui est un « ingénieur à l’heure » [ndlr : ou « ingénieux râleur » ?]. Je crois que c’est le plus beau résumé que je puisse faire de Daniel : quelqu’un de très ingénieux, qui a plein d’idées, qui est sur tous les fronts, qui réfléchit à plein de trucs, qui connaît plein de monde et qui va courir partout, qui va faire. C’est un Macgyver, un peu, si on veut. Et puis qui a son caractère. Tout le monde a déjà eu l’occasion de voir Daniel dans ses moments. Mais c’est aussi quelqu’un avec qui je me suis construit ces dernières années. C’est la famille, « Dan’dan’ ».
Ophélie : Il habite chez Mimir, lui ? Ou il a habité ?
Renaud : Il a habité chez Mimir longtemps. Enfin longtemps, deux ans, trois ans peut-être. Trois ans presque. Mais avec des intermittences entre les cabanes, là où il habite actuellement. (…) C’est un mec « un peu plus âgé » que la moyenne, bien que la « moyenne d’âge » de Mimir est… Je disais avant que c’était des gens entre vingt et vingt-cinq qui l’avaient lancée mais ce n’est même pas vrai. C’était plutôt des gens entre vingt et trente ans, à l’époque, qui l’avait lancé puisque même Stoof, Jameus, 1979 – 2010, il avait à peine trente ans, trente, trente et un. Donc, aujourd’hui ils vont plus vers leur quarante.
Après, ça a été rapidement assez hétéroclite, au niveau des âges. Et c’est vrai que Daniel, c’est quelqu’un d’un peu plus âgé, qui a pas mal d’expérience dans la musique, dans la peinture, dans les lieux autogérés. Il a participé au montage de deux ou trois asso’ dans le social. C’est quelqu’un de vraiment chouette, avec qui on a fait plein de trucs, qui sur les travaux Mimir, est une personne ressource. C’est quelqu’un de vraiment génial avec qui je me construis.
…
Cet article fait écho au témoignage de Renaud parlant d’Eugénie, qui pour lui est un « moteur de la maison », publié le 9 juin 2020 et que vous retrouverez ici :
« Les murs sont un prétexte. Le seul vrai intérêt de cette maison, à mon avis, c’est de créer du lien social » – Renaud – 2016
Renaud y disait :
…Après, c’est sûr que les personnes qui sont sur ces photos, c’est une partie de la famille. Ce n’est pas n’importe qui. Le fait d’être dans cette dynamique là, par rapport au fait de poser cette question « prends des photos par rapport à la question : « c’est quoi Mimir pour toi? » », c’est dans une dynamique vachement plus intimiste, « familiale », de gens qui y croient et qui sont là dans des moments où on est quand même, globalement, au creux de la vague. (…)
Pourquoi les portraits ? C’est le fil rouge de pas mal de photos ; c’est ce qu’il y a de plus important : ce sont les rencontres. Le reste c’est du flan. Si cette maison là, on s’en était fait virer, je pense que probablement, en tout cas moi et quelques autres, qu’on serait allé dans une autre ; on aurait pété une autre maison. Ce qui s’est ouvert comme porte et comme perspectives de vie, le jour où on a découvert la force de ce que c’est que d’habiter collectivement dans une baraque, de pouvoir habiter ça dans un imaginaire ! un peu comme des gosses dans une cabane, mais avec le fait que c’est un lieu réellement d’éducation populaire, mais où chacun a sa pierre à apporter ; un qui va mettre un peu de cadre et de connaissances associatives ; l’autre qui va mettre sa connaissance de la débrouille et de la bricole ; le troisième qui va connaître plein de monde ; la quatrième qui déboule et qui va faire partie de je ne sais pas quelle asso’ depuis des années et puis qui cherche un bureau et machin… Il y a toute une marmitonne collective qui est géniale !