Blanche-Neige et le ramoneur

Il était une fois un rat ramoneur. Il était bègue. Mais ce trouble de l’expression verbale affectant le rythme de la parole en présence d’un interlocuteur ne le gênait pas trop dans son travail. Peu d’interlocuteurs en effet se risquaient à l’accompagner sur les toits pour tailler une bavette avec lui. Et peu de créatures de rêve dans des tenues affriolantes attiraient dans leur foyer ce travailleur du bistre et du goudron au visage et aux vêtements couverts de suie. Mais un beau jour il fut appelé pour ramoner les cheminées de la résidence Heili Heilo, une maison de retraite pour nains mineurs. Une splendide nurse en uniforme – chemisier bleu à manches ballon et col « pelle à tarte » blanc,  jupe jaune, nœud rouge dans les cheveux – lui ouvrit la porte, puis ses bras, puis son cœur, puis son corps. Elle s’appelait Blanche-Neige. Une vieille marchande de pommes empoisonnées vint ensuite sonner à la porte mais les amants ne répondirent pas occupés qu’ils étaient à rendre grâce au septième ciel. La vieille qui entendait des halètements, des gémissements, des cris savait qu’il y avait quelqu’un à l’intérieur. Elle entra donc en catimini et les surprit (et les interrompit) en plein poirier indien. Pour se faire pardonner elle leur offrit une de ses pommes. Blanche-Neige s’empressa de l’accepter malgré les réserves du ramoneur.

– C’est (bis) le fruit défendu, je (bis) crois qu’il vaudrait mieux s’abstenir.

« Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? » s’insurgea la belle. Et elle croqua sans vergogne la pomme puis la tendit au ramoneur qui la croqua aussi. Ils découvrirent alors qu’ils étaient nus, que leurs corps étaient barbouillés de suie et de sueur mêlées et ils poussèrent un cri qui attira les nains. Lesquels, scandalisés par la scène qui s’offraient à eux, chassèrent Blanche-Neige et le ramoneur de la résidence Heili Heilo.