Il était une fois un vilain petit chaperon rouge. Pas serviable pour un sou. Ah ça non ! Un jour qu’on lui demanda d’aller apporter un peu de réconfort et quelques gâteries à sa grand-mère qui vivait seule dans un taudis au milieu d’une forêt infestée de loups et de campeurs sauvages, il répondit :
– Non, non, non j’irai pas chez la vioque.
Mais son père qui était un bistrotier psychopathe lui flanqua une rouste mémorable et le vilain petit chaperon rouge s’exécuta malgré les ecchymoses qui le faisaient boiter. Il avait comme il disait « la haine » et pour se venger du monde entier il fit en chemin mille coups pendables. Il poussa à l’eau un pêcheur, aida un aveugle à traverser pour mieux le précipiter sous un bus et obstrua la fente d’un horodateur avec du chewing-gum.
Autant de méfaits qui rallongèrent considérablement le temps du trajet. Un délai mis à profit par un loup pour boulotter Mère-Grand, enfiler ses hardes, se planquer dans son lit et attendre patiemment l’arrivée du garnement…
Mais le loup ignorait que la violence du vilain petit chaperon rouge qui n’avait cessé de grandir avait atteint son paroxysme. Parvenu sur le seuil du domicile grand maternel, il fit sauter la chevillette à grands coups de lattes et la bobinette chut. Il se jeta ensuite sur le lit et larda d’une bonne centaine de coups de couteau la créature qui y dormait. Puis il mit la maison sens dessus dessous pour dégotter les économies de l’aïeule qu’il finit par trouver dans le frigo.
Le magot embarqué il partit se réfugier sous une fausse identité au Liechtenstein[1].
Quand les loups apprirent qu’un des leurs avait été déguisé en vieille femme puis sauvagement assassiné, ils quittèrent la forêt et n’acceptèrent jamais d’y revenir malgré l’insistance des écologistes.
Voilà ce qui arrive quand on néglige sa grand-mère.
Notes :
1. Le Liechtenstein est un des plus petits états du monde dont la capitale est Vaduz, célébrée par un poème de Bernard Heidsieck . C’est la seule capitale d’Europe à n’être équipée ni d’un aéroport ni d’une gare mais elle a en revanche son Monopoly. Le plateau du Monopoly de Vaduz n’a que 4 rues. Le reste des cases est occupé par un parking, des banques et une prison. Car il y a une prison à Vaduz. Modeste, vingt cellules seulement, mais construite selon les principes du Feng shui. Les séjours sont limités à deux ans maximum. Les détenus condamnés à des peines supérieures sont délocalisés en Suisse ou en Autriche voisines qui ont des capacités d’accueil supérieures mais dans des établissements de conception plus classique. Le plat national du Lichtenstein est le « Tüarka-rebel » une sorte de nouilles à base de farine de maïs, œufs et fromage servies avec des oignons frits et de la compote de pommes.