Hansel et le loup

Il était une fois des parents indignes qui n’avaient qu’une idée en tête : se débarrasser de leur fils Hansel en l’abandonnant nuitamment au beau milieu d’une forêt infestée de loups et de campeurs sauvages. Hansel avait une sœur, Gretel, dont les mêmes parents indignes voulaient se débarrasser par la même occasion mais elle joue dans ce conte un rôle tellement mineur que je me demande si c’est même la peine de la mentionner. Les parents indignes donc, prétextant une cueillette vespérale de champignons, conduisirent Hansel au plus profond de la forêt et à moment jugé propice par eux, se carapatèrent en douce, ne lui laissant qu’un morceau de pain rassis, un couteau suisse et sa sœur Gretel. Mais elle n’aurait pas été là c’était pareil. Hansel était un petit gars futé qui se débrouillait très bien tout seul. A l’aller il avait pris soin de semer en marchant des petits cailloux blancs pour baliser le chemin si bien que, la vigueur de la jeunesse aidant, il fut de retour à la maison avant même ses parents. Gretel l’avait suivi de près mais c’est un détail vraiment sans importance. Quand fourbus par leur opération coupable, ils aperçurent leurs rejetons sur le pas de la porte qui leur souhaitaient la bienvenue, les parents indignes les prirent pour des revenants et en furent fort épouvantés. Hansel eut alors l’idée de tirer parti de leur terreur et se fit effectivement passer pour un revenant. Gretel aussi mais on s’en fiche . Avec cette imagination sadique et morbide propre aux jeunes enfants, Hansel se mit à prendre des airs inquiétants, menaça ses parents des pires tourments et exigea d’eux qu’ils lui passent ses caprices les plus extravagants. Gretel l’imita (là elle commence à devenir exaspérante. Je pense que le mieux c’est de faire comme moi et de l’ignorer complètement).

Un beau jour Hansel exigea de ses vieux terrorisés qu’ils lui rapportassent un loup vivant. Ils obtempérèrent bien sûr aussitôt et revinrent quelques heures plus tard, en lambeaux sanguinolents, chargés d’un gros loup enragé fermement entravé par de solides chaînes. Il avait le regard injecté et des mandibules patibulaires qui bavaient de haine. Le genre de bête que même un écolo radical accepterait qu’on chasse. Hansel le fit détacher illico dans la chambre de Gretel dont il ne resta bientôt plus qu’un petit tas d’os soigneusement rongés. C’est cruel, j’aurais préféré qu’on trouve une autre solution, mais vous reconnaîtrez qu’elle l’avait un peu cherché.

Constatant que l’un de leurs enfants était comestible, ce qui ne faisait pas très revenant, les parents indignes découvrirent le pot aux roses. Alors tandis que le loup mettait la maison à feu, à sang et sens dessus dessous, ils ramenèrent leur fiston confondu au cœur de la forêt, sans lui avoir laissé le temps d’embarquer au passage sa réserve de cailloux blancs.

Ce coup-ci l’opération réussit, Hansel fut perdu pour de bon au cœur de la forêt. Il y vécut longtemps en ermite, se nourrissant de baies et de campeurs sauvages.